Communiqué du Comité National Pilote d’Éthique du Numérique : Enjeux d’éthique du numérique du suivi épidémiologique en sortie de confinement

La sortie progressive du confinement va bientôt débuter en France. Elle se fait au risque, majeur, d’un rebond rapide de l’épidémie (dans quatre mois), voire très rapide (dans un mois). C’est ce que souligne l’avis du Conseil scientifique du 20 avril 2020 qui insiste sur les incertitudes de l’après-confinement dues à nos connaissances encore incomplètes sur le SARS-CoV-2. Un tel rebond provoquerait la résurgence d’un nombre important de décès, mais aussi le risque qu’une part significative de la population soit malade, avec de potentielles séquelles. Il aurait, en outre, un impact négatif sur la confiance des citoyens, sur l’éducation de la maternelle à l’université, sur l’emploi, sur l’économie, et plus généralement sur la prospérité de notre pays.

Ce risque d’une nouvelle vague épidémique faisant suite à l’arrêt du confinement peut être maîtrisé en mettant en place un suivi épidémiologique efficace en sortie de confinement. Il demande des moyens humains et techniques inédits, pour réaliser des centaines de milliers de tests par semaine, prendre en charge les personnes malades et retracer leurs contacts. Une détection aussi rapide et complète que possible est le seul moyen d’arrêter la chaîne de transmission en identifiant les personnes possiblement contaminées mais non encore symptomatiques, qui peuvent être des proches, des collègues de travail ou des inconnus croisés dans un lieu public ou privé. Pour permettre au système de santé français de réaliser ce suivi épidémiologique, le numérique sera d’une aide cruciale.

Ainsi, les équipes mobiles, qui selon l’avis du Conseil scientifique, pourraient être chargées du suivi des personnes infectées, devraient disposer d’un éventail d’outils numériques facilitant leur mission. Le suivi épidémiologique pourrait alors s’appuyer, d’une part, sur une application de suivi numérique de contacts pour les personnes en possession d’un smartphone et, d’autre part, sur des outils d’aide à la recherche de contacts pour les personnes qui n’auraient pas de smartphone ou auraient décidé de ne pas utiliser l’application qui serait proposée. On peut anticiper qu’un tel outil puisse contribuer [1] [2] au contrôle de la propagation de l’épidémie, dans le cadre d’une stratégie sanitaire globale et dans l’intérêt général. Les qualités éthiques requises d’une telle application ont fait l’objet du premier bulletin de veille du CNPEN [3] qui formule des recommandations portant en particulier sur la durée précise de sa mise en œuvre et l’information régulière, librement accessible, loyale et transparente sur la conception, le code, l’utilisation des moyens de suivi numérique, leur finalité et l’exploitation des données collectées. Par ailleurs, les enjeux éthiques des interactions de l’application de suivi numérique de contacts avec les autres composantes du système de suivi épidémiologique devront être analysés précisément et soumis à un contrôle démocratique.

Le CNPEN attire l’attention sur le fait que plusieurs applications de suivi numérique de contacts pourraient être mises à disposition des utilisateurs de smartphones en France. L’absence de validation nationale d’une application de référence risquerait de se traduire par l’adoption de fait, par les utilisateurs, d’applications de suivi diverses, sans garanties éthiques ni contrôle démocratique, dont les objectifs, le code, la compatibilité et plus largement le fonctionnement, échapperaient au système de santé français, avec des conséquences incertaines sur leur efficacité sanitaire et le respect des libertés individuelles et collectives. C’est dans ce contexte qu’est développée à la demande du gouvernement, la proposition d’application de suivi numérique de contacts Stopcovid [4] qui bénéficie d’ores et déjà d’un avis constructif et de recommandations de la CNIL [5] et du CNNum [6] et plus récemment d’avis de l’ANSSI [7] et du CNCDH [8].

 Le CNPEN, en coopération avec le CCNE [9], va travailler sur l’ensemble des enjeux éthiques du numérique qui se posent dans le cadre de la levée du confinement. Mais il souhaite insister sans délai sur l’importance que représente la mise en place d’une application de suivi numérique de contacts dont le contrôle souverain puisse être garanti aux citoyens français, voire européens, dès lors qu’il aura été statué sur ses qualités éthiques, en toute indépendance et transparence, pour le temps de la crise sanitaire mais aussi sur le long terme.

Paris, le 29 avril 2020

Source : CCNE