Contribution EREB : Etat d’urgence sanitaire et traçage numérique : de la nécessité de déclarer l’état d’urgence éthique

Etat d’urgence sanitaire et traçage numérique :
de la nécessité de déclarer l’état d’urgence éthique

 Cyril Hazif-Thomas, Directeur EREB

Hubert Stephan, Pdt du Conseil d’orientation de l’EREB

Groupe de travail de l’EREB et des CES sur le traçage numérique

(E. Chartier, P. Donnou, E. Kerrand, J.P. Seguin, S. Le Lann, M. Jouquan, A. Reptin)

 

Résumé :

Le 20 Avril 2020, le Conseil scientifique, dans son avis sur la sortie progressive de confinement, écrivait que « L’efficacité sanitaire s’atteint par l’adhésion, l’inclusion et la transparence ».  Il ajoutait que ces outils numériques peuvent soulever des enjeux juridiques et éthiques aigus pour emporter l’adhésion du public et des professionnels de santé. Si des solutions technologiques devaient être retenues dans la lutte contre la pandémie, trois orientations éthiques principales s’imposent :

1/ Pour la transparence : donner plus d’espace à la parole citoyenne afin que soit mieux redéfinie la frontière éthique entre contrôle social et soin, telle qu’elle est interrogée par les besoins de santé publique.

2/ Pour l’adhésion : préférer, dans le cadre d’un recours à une application informatique, la solution technologique la moins vectrice de dépendance possible, sur la base d’un volontariat réel, qui ne fasse pas le « bien » des usagers malgré eux.

3/ Pour l’inclusion : respecter l’objectif clairement affiché d’interdépendance sanitaire, qui doit être poursuivi pour l’ensemble de la population, même éloignée du numérique, afin de ne pas mettre en péril la cohésion sociale.

Afin de parvenir à vaincre la « covidose », avec ou sans traçage numérique, il convient que la qualité des relations organisées par les outils numériques demeure prioritaire sur le contenu des relations : c’est ce qu’on pourrait appeler le principe de bienséance numérique.

Plan de l’étude

Introduction

Problématiques rencontrées

  • Traçage numérique, politique de prévention et ordre public sanitaire 
  1. Traçage numérique, une fausse bonne idée
  2. Prendre la mesure de l’angoisse collective, sans s’en servir de levier pour atteindre un objectif de bien(sur)veillance

II-Impliquer l’usager du système de santé par sa propre surveillance dans la gouvernance sanitaire

  1. Quels moyens pour quelle implication dans l’urgence ?
  2. Quelle légitimité pour cette auto-surveillance ? Quel consentement mobilisé ?

Conclusion : Que devons-nous en retenir en termes d’enjeux sociétaux ?

 « Je continuerai de me promener comme tout le monde au nord du Rhône, qui continuera d’être beau. Je refuserai que mon téléphone serve à me tracer. Je serai très en colère, comme beaucoup je crois, si des leçons ne sont pas tirées de tout ça, quant à l’importance du service public et des hôpitaux, quant à l’aberration, plus que jamais flagrante, du monde comme il va. Dehors ce sera la Grande Garabagne de Michaux, le pays des Hacs, des Izvinikis, des Emanglons. Un nouveau peuple masqué, sans nez, sans bouche, habillé de plastique, de gants. Il faudra se faire aux nouvelles mœurs. On n’aura pas l’air très libérés, avec nos bâillons et nos distances prudemment gardées. Ce ne sera pas tout de suite la fête. Plus que jamais la vie sera à inventer dans les interstices. Plus que jamais il faudra compter sur ce qu’il y a en nous d’inconfinable, d’indocile, de joyeusement récalcitrant. Est-ce que ce sera le début d’un nouveau monde ? »

Sylvain Prudhomme, écrivain, opinion parue dans Le Un, du mercredi 13 mai 2020

 

Introduction

La lutte contre l’épidémie menée parallèlement à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, désormais reconduit, doit-il imposer l’idée d’un traçage numérique au sein de la population ? Si dans sa quête d’ordre public sanitaire, l’Etat est en droit d’améliorer le système d’informations relatives à la propagation de la maladie et de promouvoir la surveillance épidémiologique (I), il est toutefois plus contestable que les autorités publiques tendent à impliquer sans délai (de réflexion) l’usager du système de santé dans sa propre surveillance au profit de la gouvernance sanitaire (II). Il convient d’abord de savoir si le consentement est véritablement éclairé ou peut être totalement libre, dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons. Passer outre cette précaution éthique et juridique reviendrait à laisser planer la menace d’une « démocrature sanitaire ». Une question semble en effet confisquée : est-il encore permis de savoir si nous aimerons vivre dans un monde marqué à tout jamais par la peur de l’autre- vécue a priori- et donc de la socialité ? Ces questions impliquent un travail de réflexion pour lequel l’EREB s’est préoccupé de l’opinion citoyenne.

Problématiques rencontrées

Il existait bien avant la crise nombre d’indicateurs indiquant la pertinence d’une telle démarche de prise en compte d’un « bon sens » citoyen autour des questions bioéthiques, après le large débat par la révision des lois de bioéthique: multiplication des sujets épineux, source de décisions sensibles prises par les pouvoirs publics, sans qu’un débat public ait été mené (par ex le projet « Alicem »[1], évolution rapide des biotechnologies, transformation des pratiques médicales avec poussée forte d’une demande de plus en plus sociale, numérisation de la société et appropriation des données de santé des citoyens, éthique du soin de plus en plus fragilisée…). C’est autour de ce dernier thème que se concentre aujourd’hui la délicate réflexion autour du traçage numérique ou d’autres sujets voisins (port d’un bracelet susceptible de vibrer au contact d’un patient repéré Covid+, vidéosurveillance du respect du port des masques et des gestes barrières[2]…). Le débat est d’ailleurs marqué par l’actualité juridique du Conseil d’Etat qui vient dans son ordonnance d’ordonner à « l’Etat de cesser, sans délai, de procéder aux mesures de surveillance par drone », retenant notamment les « risques d’un usage contraire aux règles de protection des données personnelles »[3] et juge que le recours à ce dispositif « caractérise une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée ».

Que celle-ci soit une bonne ou une mauvaise idée, chacun comprendra qu’elle recouvre aussi un modèle de société pour lequel tous les Français ont voix au chapitre. L’opinion citoyenne ramène de façon récurrente que « sur un plan plus général, il est préoccupant qu’à chaque « secousse » de nos sociétés, les libertés soient toujours plus limitées sous le couvert d’une plus grande sécurisation, ce qui amène par voie de conséquence une infantilisation du citoyen, une déresponsabilisation de ses composantes, un recours soumis à la puissance dominante et une demande maladive d’assistanat »[4].

Elle rend compte aussi d’un souci de prendre en considération les efforts demandés pour que soit respecté le Bien commun : ainsi est-il ramené par un citoyen : « Informer quelqu’un du fait qu’il a été en contact avec une personne porteuse du virus afin de le soigner est à l’évidence quelque chose de sain et il n’est pas nécessaire de lui dire de quelle personne il s’agit. Dans ces conditions le secret médical n’est pas trahi. Mais s’il s’agit aussi après la détection d’un porteur, de lui demander d’indiquer avec qui il a été en contact, le problème se pose de la façon dont ce sera fait et par qui. La méthode peut être quasi policière, la personne qui enquête peut n’être pas soucieuse du secret médical, des dérives inquisitoriales sont possibles et la vie privée n’être pas respectée.[5] »

Une autre manifestation de l’expression citoyenne mérite d’être citée : « La question des libertés individuelles – et professionnelles – se pose non seulement maintenant, tant que durera l’état d’urgence, mais aussi ultérieurement dans les séquelles qui resteront de cette emprise de l’État sur la population d’une part, les médecins d’autre part. Ainsi, dans cette crise, nous avons, nous les médecins, subi une énorme restriction du libre exercice de la médecine, puisqu’à cause du conflit avec les praticiens de Marseille il était interdit de prescrire les substances en cause. Non pas que je veuille prendre parti dans ce conflit (nous ne saurons peut-être jamais la vérité), ou prescrire moi-même, mais il est inadmissible d’avoir retiré aux médecins l’autonomie de leurs prescriptions « en leur âme et conscience ». Espérons que cela était nécessaire et ne se renouvellera pas dans des circonstances analogues.

Autre question : pourquoi la maladie infectieuse à Covid-19 n’est-elle toujours pas inscrite dans les maladies à déclaration obligatoire ? On empile de nombreuses mesures alors qu’il existe celle-ci qui pourrait répondre à la situation. A propos de l’excès de précautions qui se dessine dans cette période transitoire, je suis assez stupéfaite de voir les conditions d’accueil des enfants dans les écoles, la peur des parents et des professeurs, l’interdiction des jeux, la peur de l’Autre, montré par les adultes comme pestiféré et dangereux, les enfants parqués dans la cour, chacun sur une croix à 1,50m les uns des autres : au secours ! Quels adultes est-on en train de construire ? Il faut que les enfants puissent retrouver une vie sociale et des apprentissages normaux le plus vite possible, d’autant que contrairement à ce qui se disait au début, ils sont peu contaminés et semble-t-il peu contaminants.[6] »

 

  1. Traçage numérique, politique de prévention et ordre public sanitaire 

 

Il apparait d’importance de se poser la question de l’intérêt sanitaire du dispositif de traçage numérique (A) et de s’interroger sur sa pertinence compte-tenu des peurs parcourant actuellement la société (B).

 

  1. Le traçage numérique, une fausse bonne idée

Une bonne idée, cela semble l’être à première vue puisqu’il s’agirait de se doter « d’une arme dans l’arsenal des moyens de lutte contre la pandémie[7]. Dans cette guerre sanitaire, il serait malvenu de partir au combat sans munition en effet. Mais raisonner de la sorte, n’est-ce pas se cantonner à la rationalité économico-gestionnaire de la question, sans s’interroger sur celle plus juridico-politique ? Il n’y aurait pas de question à se poser sur la légitimation du pouvoir à instituer cette technique de surveillance, nouvelle « arme technico-scientifique », il ne s’agirait seulement que de s’assurer de la précision et de l’étendue de ses modalités d’exercice…Et si se pose la question de qui s’engage « armé » dans cette guerre revue « technologiquement », le mieux est de partir au front avec des soldats volontaires…Mais est-on vraiment, juridiquement parlant, en guerre ? La persistance de l’emploi médiatique, voire académique, du signifiant « guerre » a de quoi interroger à l’heure où « les services d’urgence ont enregistré 429 passages pour ce même motif, soit 1% de l’activité totale. » selon « apm News » du 239 mai 2020.

Aussi étonnante que cela puisse paraître, la question du traçage s’est donc imposée dans la sémiosphère alors que l’Académie nationale de Médecine ne la mentionne initialement pas dans son communiqué sur la sortie de l’épidémie de Covid-19 ; lui étaient « préférées » l’incitation à la solidarité intergénérationnelle dans l’éducation aux règles d’hygiène et aux gestes barrières, l’égale considération de toutes les personnes présentant une fragilité de quelque nature que ce soit et le respect « dans tous les cas » de « la décision du patient, issue du colloque singulier qu’il entretient avec son médecin »[8]. La communication actuelle de nos autorités publiques évoque une « brique de plus » dans la stratégie globale du déconfinement, comme s’il suffisait de faire coexister toutes sortes de mesures techniques sans s’assurer qu’elles sont réellement complémentaires au plan scientifique et humain.

Si chacun s’accorde pour dire que la vigilance passive est dépassée, encore est-on assez déconcerté dès lors qu’il s’agit d’accepter qu’une question aussi banale que celle qu’on traite sur nos ordinateurs nous soit adressée…cette fois, à notre comportement citoyen ! « Voulez-vous autoriser cette application à apporter des modifications à votre appareil ? » nous renvoie à une situation assez maîtrisée pour celles et ceux qui échappent à la « fracture numérique » ; « Voulez-vous autoriser cette application à apporter des modifications à votre comportement ? » est rien moins qu’évidente. On ne peut « appareiller » en tant que tel le comportement individuel sans attenter à sa personnalité juridique et à sa dignité. La socialité n’est-elle pas irréductible, ainsi que l’a montré Emmanuel Levinas, au savoir, « meilleure que la fusion et que l’achèvement de l’être dans la conscience de soi »[9] ? L’analyse de la durée et de la distance approximative, entre les deux téléphones, pourra-t-elle d’ailleurs cerner un risque de contamination, si tant est que ce soit médicalement possible[10] ?

On relève aussi que l’idée de traçage semble plutôt une mauvaise idée pour nombre de professions qui amènent à être dépositaire d’un secret (médecin, avocat, magistrat…) mais qu’elle serait bien accueillie par les forces de l’ordre qui veillent à l’ordre public et au respect de la loi. Le Conseil national de l’Ordre des Médecins intègre également le traçage dans la stratégie sanitaire malgré les éventuelles entorses à la confidentialité des données de santé, à la réserve près que « Les personnes contaminées ne doivent pas pouvoir être localisées dans leurs déplacements. Cela suppose qu’il n’y ait pas d’alerte immédiate au moment du contact avec une autre personne. »[11]

Devrons-nous donc noter une rupture avec la doctrine du strict respect du secret médical jusque-là défendue par l’Ordre des Médecins ? Pas nécessairement car on doit aujourd’hui distinguer secret médical (niveau individuel) et secret professionnel (niveau collectif) : il y a désormais une « boucle du secret » à appréhender dans une logique de santé publique, qui engagera une équipe pluridisciplinaire dans la gestion des informations sur un système numérique sécurisé[12].

Les exigences déontologiques sont fortes sur les médecins impliqués dans la lutte contre l’épidémie, notamment concernant l’article quatre du Code de déontologie médicale (CDM) (secret professionnel), l’article sept (apporter son concours en toutes circonstances), article neuf (porter assistance, s’assurer que le blessé ou le malade reçoit les soins nécessaires), l’article 12 (apporter son concours à l’action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l’éducation sanitaire, la collecte, l’enregistrement le traitement et la transmission d’informations nominatives ou indirectement nominatives sont autorisées dans les conditions prévues par la loi) et l’article 13 (participation à une action d’information publique de caractère éducatif et sanitaire quel qu’en soit le moyen de diffusion) ; ainsi refuser l’utilisation et l’application du numérique pourrait engager très sérieusement la responsabilité ordinale du praticien.

Concernant le secret, le médecin devra être autant attentif à l’esprit de la loi qu’à sa lettre : le secret est et doit rester un lieu potentiel de sécurité : si le malade ne se sent pas à l’abri par manque d’assurance dans une configuration fiable, en situation maîtrisée d’aménagement loyal du secret et, partant, « suffisamment bonne », c’est la peur qui va prendre le dessus, donc le repli sur soi afin de retrouver cette sécurité[13]. Hors de cette sécurisation[14], sans véritable interdépendance et sans confiance, il ne pourra précisément pas y avoir de libre volontariat. C’est qu’on ne doit pas oublier la « boucle éthique de doléance » que seule l’intimité strictement confidentielle de la relation médecin-malade permet d’autoriser en termes d’espace d’expression et de libre entente. Cela rencontre en effet un important gain de santé, tant individuelle que publique : c’est une question de bienséance médicale qui « tend, comme la justice, à promouvoir et à maintenir la communauté humaine »[15]. Cette bienséance sera évidemment également interrogée du côté des avocats : « De plus, certains cas-contact peuvent être des clients du patient : un avocat malade devrait-il livrer à son médecin le nom de ses clients rencontrés récemment ? Non, à l’évidence. Si le médecin est délié du secret par cette loi du 11 mai 2020, l’avocat, même malade, ne bénéficie d’aucun fait justificatif de l’infraction de violation du secret professionnel. »[16]

Il faut dans tous les cas souhaiter qu’il ne soit pas oublié que le soin et le contrôle du soin sont souvent, pour les soignants, le prétexte de leur sujétion : « toujours plus d’informations, toujours plus de transparence dans les informations, toujours plus de partage d’informations, et ce, aux dépens de la préservation de l’intimité et de la liberté »[17] . L’inquiétude du « vol des données personnelles », du « profilage », modelé par le traçage, est aussi présente dans la société. Cette nouvelle solution technologique peut aussi être regardée avec une certaine appréhension puisque, aux dires mêmes du Conseil national du numérique, commission consultative indépendante, « Le développement de l’application [il s’agit bien d’une réflexion suscitée par le développement de l’application Stop Covid] risque de ​démocratiser une emprise numérique sur les comportements, et d’engendrer une défiance envers l’État (perçu comme trop intrusif) ou, ​a contrario​, de pérenniser certaines formes de suivi numériques »[18].

Une expression citoyenne inattendue est là encore intéressante à prendre en considération :

« Alors que germe en moi l’idée de ne plus être aliénée à mon téléphone, le traçage numérique ou tracking vient à l’encontre de ce désir de liberté, renforcé par 55 jours de confinement.

Posséder un smartphone est devenu banal. Il est indispensable à mon quotidien professionnel et personnel, au point qu’il n’y a plus de frontière entre les deux univers. Aller plus vite, ne jamais s’ennuyer, rester en contact avec mes proches, mais parfois être sollicité sans pause par mes collègues, IL est omniprésent.

Je suis une geek. Je ne suis ni fière, ni gênée de l’être.  Cependant, c’est un outil dont je dois pouvoir me séparer quand je le souhaite. J’ai le droit de l’oublier sauf quand je suis d’astreinte. Il est alors aliénant car je dois le garder à portée de main en permanence. C’est une chaine invisible de maillons numériques. Le tracking viendrait renforcer cette obligation d’emport partout et tout le temps, sans pause numérique possible. Il deviendrait une excroissance de l’individu, une verrue. Ne pas contaminer mes concitoyens est-il un motif éthique suffisant pour justifier cette perte de liberté de liberté de choix ?[19] »

​Emprise anxiogène également des erreurs du système « expert » en véridiction : ainsi le Comité national pilote du numérique précise, dans son nouvel avis sur la détection numérique de proximité, que « l’ignorance d’un contexte protecteur des contacts (par exemple, la présence d’un mur ou la proximité entre un malade et un médecin portant un équipement de protection) augmenterait le nombre de faux positifs. »[20]

Cela est donc important à mettre en perspective avec le questionnement citoyen selon lequel « Quant au traçage par des « brigades » épidémiologiques dûment assujetties au secret médical, cela peut sembler ni plus ni moins ce qui s’est fait tout au début sur les clusters (aux Contamines par exemple), jusqu’à ce que l’épidémie déborde trop rapidement le dispositif. C’est efficace, et le secret médical peut être respecté. Le traçage numérique apporterait-il des sécurités supplémentaires ?[21] »

Le mathématicien Cédric Villani répond par l’affirmative tout en attirant l’attention sur les risques inhérents au « solutionnisme technologique » : « Une entreprise peut, avant un entretien d’embauche, découvrir que vous avez été contaminé ; des pirates peuvent tenter de discréditer le système en l’inondant de faux-positifs. Mais le coût pour la société reste très faible par rapport à l’enjeu gigantesque qui consiste à réduire le risque de rechute »[22]. Mais le risque politique ? Et sociétal ? Et est-il avéré que le risque de rechute soit « gigantesque » dans un proche avenir ? Cela ne dénote-t-il pas d’une peur excessive, qui croise la question de l’altérité : « Aujourd’hui, plus qu’hier encore, nos vies sont structurées par des barrières […] ouvertes ou fermées au gré de caméras thermiques, brigades sanitaires, fichiers de traçage. De quoi cherche-t-on ainsi à se protéger ? Sous une forme ou sous une autre, n’est-ce pas la peur de l’altération qui insiste ? »[23] Et de fait n’y -a-t-il pas lieu d’apprendre « à répondre à l’altérité sans en faire l’objet d’une peur de l’altération »  (ibid) ?

Il ne faudrait pas de plus que le système proposé repose sur une approche purement managériale avec comme unique horizon la seule gestion disciplinaire des chaînes de contamination, objectivées au nom de la santé publique. Seule l’attention à l’autre crée de l’humain. Sinon, le fantasme prévalent sera consubstantiel à l’attaque du secret médical dans ce qu’il a d’ultime, de structurant pour l’identité entre les hommes : « Etant entendu que le secret ultime à protéger est qu’aucune de nos interrogations sur la vie et la mort n’a de réponse. Rien ne peut abolir l’énigme, mais nous avons à la porter » (A. Lécu, ibid, p. 196). Plutôt que de vouloir rompre les chaines de contamination, il aurait été plus avisé d’en libérer le citoyen, usager du système de santé, de même que Pinel œuvra à délivrer les aliénés de leurs chaines. Certes, aucun isolement ni aucune quarantaine ne peut être imposé sans prescription médicale, mais l’appel à la responsabilité individuelle est lancé sur une tonalité anxiogène, risquant d’apparaître comme essentiellement culpabilisatrice, voire stigmatisante, injonction qui fait davantage écho à une logique de prévention sanitaire pré-pensée qu’à un principe de liberté de choix quant aux ajustements sanitaires indispensables. De sorte qu’on peine « à vouloir camper la sacro-sainte notion de prévention en attribut de la démocratie » (ibid, p. 195).

  1. Prendre la mesure de l’angoisse collective, sans s’en servir de levier pour atteindre un objectif de bien(sur)veillance

 

A ce niveau d’angoisse collective, demander que l’opinion publique soit par exemple « consultée » parait être un exercice complexe, dès lors qu’on risque de l’enfermer dans une sorte de chantage psychologique a minima : « si vous êtes contre les mesures de prévention sanitaires et le nouveau modèle de socialité suggéré, c’est que vous ne voulez pas rompre les chaînes de contamination, c’est donc que vous êtes irresponsables ! » Chaque citoyen est bien entendu attentif aux messages de prudence de ses pairs et à ceux des autorités sanitaires, et tous, sauf exception, sont favorables à la protection de la santé du plus grand nombre.

Comment garantir la protection de la santé publique sans prendre le risque d’une remise en cause de l’intimité de la relation soignant-soigné et sans atteinte des principes cardinaux du droit médical, sans bousculer les principes fondamentaux assurant un soin vécu dans la confiance et un vivre-ensemble dans la bonne entente ? Le secret médical -mais aussi celui des sources pour un journaliste- comme le respect des libertés publiques, le respect du droit à la vie comme la libre disposition de son corps… ne sont pas dissociables d’une socialité bien comprise et d’un jeu démocratique équilibré. Le rôle d’un Etat libéral en matière de politique sanitaire n’est pas de garantir la seule sécurité sanitaire, il importe aussi de garantir la sécurité sociale et politique. Il convient bien sûr d’organiser la défense de la population contre les risques sanitaires les plus significatifs. Des mesures de police (dont celles de de police sanitaire) ne suffisent pas à cette fin, il faut encore envisager une société sans misère[24] afin de faire respecter le droit à un environnement sain. L’éducation à la santé est autant importante que l’éducation à la citoyenneté…

La sécurité sanitaire est un moyen de préserver la pérennité de la vie en société, et la sécurité sociale et politique un levier de reconnaissance des valeurs sociales fondamentales du pacte démocratique (liberté, égalité, fraternité, responsabilité, confiance…)

Dans ce contexte, il faut saluer le recours à l’opinion citoyenne et la prise en considération de la parole des usagers du système de santé, tel que l’envisage le CCNE : « L’intérêt de ces deux modalités complémentaires est de tenir compte de la diversité de la société et de construire la médiation nécessaire entre les deux, de permettre une action coordonnée au service d’une démocratie en santé cohérente au niveau national pour l’analyse de la crise Covid-19. À cette fin, elles devront notamment associer à la démarche France asso santé, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), la Commission nationale des débats publics (CNDP) et le Haut conseil de la santé publique (HCSP) »[25].

Faire un pas de côté démocratique implique en effet aujourd’hui de réintroduire de l’autonomie citoyenne afin qu’il soit à nouveau permis de considérer que « par la sécurité apportée dans le domaine de la santé, le droit de la santé garantit une liberté dans la santé »[26].

Ce qui veut dire qu’il n’est en rien acceptable de procéder à une déconstruction du « château fort » du sujet de(s) droit(s) (intimité du corps et de la santé, celle du domicile, de la correspondance…) ni de banaliser d’ailleurs le haut niveau d’information qu’exige toute transmission de données de santé. Il a déjà été rappelé en 2014 à l’intention des Etats membres de l’Union européenne que « Les individus doivent être informés et bénéficier de garanties adéquates de protection de leurs données lorsque celles-ci sont collectées et transférées »[27].

Sauf à provoquer une éventuelle « hémiplégie sociale », pourquoi céder sur notre désir de vivre en liberté et en sécurité ? De circuler sans être surveillé et de surveiller sa santé avec l’aide des professionnels de santé sans que circulent à tout va ses données de santé ? On ne peut pas considérer liberté et sécurité comme des frères ennemis. Dès l’instant où un moyen devient un but, le risque est grand de voir s’installer une circularité nocive aux individus et aux liens qu’ils sécrètent. Un monde centré sur un des deux pôles est inhabitable car la vie ne se développe que dans l’entre-deux de la sécurité et de la liberté.

Entre ces pôles, la santé est d’ailleurs aujourd’hui plus investie par les Français que la sécurité. Remettre l’opinion citoyenne au diapason des valeurs fondamentales de notre société démocratique s’impose dès lors comme une nécessité vitale. C’est aussi ce que pointe la Ligue des droits de l’homme pour qui vient d’être vécu par les Français « Une période de libertés et de démocratie confinées ». Son président, Malik Salemkour, rappelle que « Dans un Etat de Droit, le premier contre-pouvoir à l’exécutif, c’est le Parlement. Or il continue à avoir un fonctionnement dégradé, sans capacité de proposer la loi et en déléguant des pouvoirs au gouvernement jusqu’à début Juillet »[28].

 

II-Impliquer l’usager du système de santé par sa propre surveillance dans la gouvernance sanitaire

 

Comment comprendre cette gouvernance basée certes sur le volontariat, mais mettant potentiellement à mal les repères du soin (A) et comment penser cette implication selon la règle du consentement (B) ?

 

  1. Quels moyens pour quelle implication dans l’urgence ?

 

Le volontariat affiché peut-il faire l’économie d’un examen d’un éventuel « consentement sous pression »[29] ? Si la question est de savoir repérer les malades dépistés positifs, qui ne se seraient pas autrement adressés à un médecin, grâce à l’application Contact Covid, qui serait contre ? Mais se pose-t-on, précisément la question de savoir pourquoi les malades positifs ne se rendraient pas chez le médecin ? N’est-ce pas justement du fait des doutes quant à la confidentialité effective de leur statut virologique ? A l’heure où les medias commencent à s’interroger sur la « génération coronavirus », la société (dont l’Assurance Maladie est d’ailleurs devenu l’acteur central) ne serait-elle pas en train d’ignorer le questionnement que lui adressent ses citoyens ? Sait-elle encore écouter sans condamner ?

Promouvoir l’auto-surveillance participative -via l’usage de l’application Stop Covid ou une autre similaire-serait un projet acceptable toutefois car cela permettrait d’appréhender les conséquences sur la santé, majeures, de l’épidémie. Celles-ci sont indéniablement à contextualiser sur le plan humain et économique et nécessitent dès lors de mettre en œuvre des moyens établis par la loi pour cerner les clusters, limiter la diffusion, préserver les possibilités de réanimations…A chacun sa définition de la sécurité sanitaire mais précisément parce que l’extension indéfinie du champ de la sécurité sanitaire risque d’en faire une réalité cacophonique, après la proximité des contacts suspects ou infectés, seront (pourquoi pas ?) possiblement exigés le traitement de la date et de l’heure du contact à risque, ce qui pourrait susciter au minimum une simple atteinte à la liberté de rencontre, au maximum une véritable chasse aux sorcières. Au vu de ces deux conséquences potentiellement contraires à un véritable esprit de bienséance, au sens hippocratique, c’est-à-dire sources d’entraves à la justice, il apparaît peu cohérent de défendre l’application Stop Covid au prisme de l’approche centrée sur la personne[30], comme on pourrait par contre le soutenir en promouvant des équipes mobiles, dont l’action serait déclenchée sur prescription médicale attentive à la situation singulière de chacun, en s’appuyant sur une demande individuelle clairement identifiable. Les motivations de ces outils informatiques qui se multiplieront dans l’avenir sont assurément plus de connaître en détail les « éléments de la trajectoire de soins » que d’en définir une qui soit adaptée aux réels besoins des personnes en souffrance.

Force est de constater que même les moyens de traçage technologiquement élaborés sont en réalité peu clairs tant dans leurs intentions que dans leurs modalités et qu’on ne peut écarter un éventuel accès frauduleux aux données personnelles. Peut-on comparer ce système de traçage avec l’autosurveillance participative de la glycémie à laquelle s’astreint le patient diabétique bien plus précise, fiable, et centrée sur le malade et non sur l’intérêt allégué de la société ? Dans un cas, l’ajustement des doses d’insuline, le bénéfice thérapeutique font plus facilement accepter le dispositif, de l’autre la perspective d’un (re)confinement ne sera que peu en faveur d’une telle « mesure d’auto-empêchement de liberté » d’aller et venir, liberté fondamentale protégée par la Constitution, ce que le juge constitutionnel a d’ailleurs rappelé quant à la légalité des mesures de quarantaine et d’isolement sanitaire envisageables à l’aune de la crise sanitaire redéfinie au prisme de l’état d’urgence sanitaire[31].

De plus quels seront les modalités assurant la traçabilité des accès à ce système d’information mis en place afin de favoriser, certes le développement de la médecine algorythmique, mais aussi celui de la surveillance technologique d’une partie conséquente de la société ?

 

  1. Quelle légitimité pour cette auto-surveillance ? Quel consentement mobilisé ?

Voilà pour les moyens -encore flous- du traçage mais selon quelles décisions devrions-nous « auto-participer », avec quelles ambitions et à partir de quel consentement ?

Dans l’optique du développement de la détection de proximité, l’Académie Nationale de Médecine a récemment recommandé qu’« Il faut s’assurer du consentement éclairé des personnes, de la confidentialité et de la préservation de l’intimité de chacun, en se tenant aux seules données indispensables à l’objectif, écartant toute autre information non pertinente. Il faut aussi garantir d’une part la destruction à court terme des données tout au long de l’épidémie qui peut se prolonger, et d’autre part la liberté des choix des personnes d’initier ou d’arrêter à tout moment la connexion traçage »[32].

Pour l’ambition : en premier lieu, on discerne un souci d’assistance aux plus faibles : « L’ergonomie très simple du traçage doit être adaptée aux personnes vulnérables, seniors, personnes isolées et précaires, afin d’éviter la fracture numérique, source de ségrégation et d’inéquité. Une assistance par des bénévoles ou des professionnels doit être envisagée pour permettre à certains d’adhérer en toute compréhension au traçage. » (Académie Nationale de Médecine, ibid). On repère aussi une préoccupation concernant la sécurité juridique, tant au niveau européen (respect du règlement général de protection des données) qu’au niveau national (les exigences de la CNIL) ou local : « Il faut régler au mieux les responsabilités qui pourraient concerner un préjudice subi par une contamination ou une exposition liée à un faux négatif du test ou de l’affichage de son résultat, ou encore à une transmission technique défectueuse ou inopérante car en zone non couverte par les opérateurs. Si de tels incidents surviennent, et afin de permettre la plus large adhésion de la population au système, un mécanisme d’indemnisation automatique devra être prévu, par le biais de la solidarité nationale et de l’Oniam (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux) » (Académie Nationale de Médecine, ibid). En troisième intention, on remarque une inquiétude quant à l’égalité d’accès au dispositif : « Des biais apparaîtront pour la représentativité des données recueillies : (1) une partie importante de la population n’a pas de smartphone ; (2) une autre partie refusera d’adhérer à son utilisation ; (3) il existe beaucoup de zones blanches, donc une inégalité territoriale. Enfin, il faut que les quatre opérateurs principaux soient obligatoirement impliqués dans le processus de traçage » (Académie Nationale de Médecine, ibid).

Il serait manifestement intéressant qu’« une coordination immédiate entre sciences et société » se mette en place, comme l’ambitionne dans une tribune du Monde un collectif de quarante-quatre médecins, chercheurs, militants associatifs, entrepreneurs et syndicalistes, afin d’éclairer l’opinion citoyenne sur cette délicate question[33]. Autant il est important de s’assurer que la lutte contre le coronavirus ne vienne pas perturber la continuité des soins, autant une « bien(sur)veillance[34] » non acceptée socialement et susceptible de caractériser une fracture numérique, ou même vécue sous le mode d’une aide potentiellement punitive d’un civisme jugé insuffisant, risque d’être contre-productive pour la cohésion sociale et inutilement angoissante pour le plus grand nombre.

Nous ne pouvons en effet nous cacher qu’avec ce système de traçage, est ici explorée la frontière éthique entre contrôle social et soin, dont la balance bénéfice-risque doit donc être pensé dans ses effets sur le lien social et les libertés publiques. Felix Tréguier, chercheur et membre de la Quadrature du Net, décrit dans sa réflexion sur les « atteintes aux libertés publiques assistées par ordinateur », « les noces de la santé publique et de la raison d’Etat », et pointe l’usage de la reconnaissance faciale , tant en Chine qu’à Moscou, avec l’aide de la vidéosurveillance et de la reconnaissance faciale, afin de repérer les personnes qui enfreignent la mise en quarantaine, ouvrant la voie à une répression sanitaire, qui pourrait faire des émules à l’Ouest[35]. Ainsi « La police peut également compter sur une myriade d’entreprises spécialisées dans le marché fleurissant du contrôle sécuritaire des « villes intelligentes ». En France, la star-up Two-i propose aux forces de l’ordre de tester gratuitement ses algorithmes destinés à l’analyse en temps réels de gigantesques flux de données issus des parcs de vidéosurveillance. Il s’agit notamment de détecter les infractions aux règles de distanciation sociale : « Notre technologie est en capacité de repérer les attroupements, ce qui permet ensuite aux forces de l’ordre de faire de la prévention » explique son co-fondateur Cazenave, qui laisse aux policiers le soin de franchir le pas qui sépare la prévention de la répression »[36].

 

S’astreindre à un devoir d’auto-surveillance jusqu’à admettre une répression sanitaire, en cas de manquement à ce devoir, rationalisé pour mieux permettre d’aider les pouvoirs publics dans leur ambition d’articuler soin et contrôle social est bien plus à risque éthiquement, a fortiori dans le pays des Droits de l’homme , moins acceptable pour les libertés publiques, que s’auto-surveiller après une information pédagogique pour articuler une juste protection de la santé de tous, dans une confiance partagée et un esprit de responsabilité collective sollicité dès l’échelon local (collectivités territoriales), individuelle et familiale, dans un  modèle down-top, avec l’aide des professionnels de santé.

 

Le Conseil Economique, Social et Environnemental rappelle d’ailleurs dans son avis du 22 mars dernier que : « Nos concitoyens, attachés à notre système de protection sociale auquel ils contribuent solidairement, attendent qu’il assure la cohésion sociale, l’égal accès à des services publics de santé de qualité et l’égalité sur le territoire. »[37]

Il convient donc dans cette période d’Etat d’urgence sanitaire et de crise économique de ne pas stigmatiser les moins dotés d’outils numériques ainsi que, plus généralement, le « plus pauvre en santé (et en immunité) » qui incarnerait à son corps défendant « une vulnérabilité intolérable au Moi social, parce que cette vulnérabilité représente sa part d’inachèvement, de dépossession de ses sécurités »[38].

Le Comité national pilote d’éthique du numérique prend également soin d’attirer l’attention de chacun sur le risque de discrimination lié à la collecte des données, de sorte que les « garanties de compétence suffisantes pour assurer la mise en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées et le respect des règles de confidentialité » [39] seront l’objet probable de la plus grande attention citoyenne et soignante à venir :

 « Les données collectées par les équipes sanitaires ou par une application numérique sont des données sensibles qui pourraient être utilisées à des fins discriminatoires. Le Conseil de l’Europe souligne que « le profilage ne doit pas entraîner de mesures discriminatoires d’aucune sorte » en particulier sur les aspects politique, socio-économique, sexuel ou religieux. De même l’OMS alerte sur le risque de stigmatisation des personnes présentant des caractéristiques perçues comme liées à la maladie »[40]. Le débat sur la gouvernance par le soin en période d’état d’urgence sanitaire oblige ainsi chaque acteur de santé, chaque usager du système de santé mais tout citoyen à confronter l’impératif du secret aux réquisits de la loi. N’y a-t-il alors pas lieu de prendre au sérieux l’avertissement de la commission consultative des droits de l’homme (CCNDH) ? « La CNCDH s’inquiète également de l’impact d’une telle mesure de suivi sur le comportement des personnes : les résultats communiqués par l’application pourraient induire des réactions de suspicion à l’égard des autres (qui m’a contaminé ?) ou susciter de la stigmatisation et de l’exclusion à l’égard des personnes suspectées d’être l’agent contaminant. En modifiant notre rapport aux autres et au monde, en suscitant des réactions d’anxiété, ou de stigmatisation et de discriminations à l’égard de certaines catégories de personnes, cette mesure représenterait une menace tant pour le respect de la vie privée, entendue largement au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme20, que pour les valeurs républicaines de dignité, de liberté, d’égalité et de fraternité et plus généralement pour préserver la cohésion sociale. »[41]

Que devons-nous en retenir en termes d’enjeux sociétaux ?

On a certainement besoin, considérant l’importance de la crise sanitaire, de pouvoir compter sur « un système de gestion de risque proactif basé sur l’anticipation et la caractérisation précise des risques, avec la définition de nouveaux modèles permettant une génération efficace des signaux et des alertes. Pour cela, il faut utiliser tous les outils mathématiques, épidémiologiques, issus des sciences sociales et de la communication, et bâtir des programmes de recherche ambitieux. »[42] Et ce seront donc probablement aux médecins libéraux, aux soignants et à l’Assurance Maladie ainsi qu’aux ARS et Préfets, aidés par des « brigades sanitaires » ou « de santé », d’équipes mobiles de prendre le relais afin de contenir tant l’épidémie que la peur qui l’accompagne. Cela répond incontestablement à l’inquiétude colorée d’angoisse que certains citoyens nous ont communiquée : « Est-ce qu’au nom des libertés individuelles et de la vie privée j’accepte d’être contaminé à mon insu et dans ce cas de contaminer, toujours à mon insu, d’autres personnes, y compris celle de mon proche entourage, celles avec qui je partage ma vie ?[43] »

Mais la crise est aussi, éthiquement parlant, un moment de vérité.

A ce stade du débat, le groupe de réflexion de l’EREB sur le traçage numérique réalisé dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire se dit très préoccupé de cette peur qui gagne l’ensemble du corps social, la clinique médicale mais aussi psychiatrique montrant à l’envi le délabrement des relations humaines qu’elle induit dans les comportements. Comme le rapporte la journaliste et historienne Christine Goguet : « Gouverner c’est prévoir, mais c’est aussi donner l’espoir. Si on dit aux gens : « tout le monde va mourir, c’est mal parti ! »[44]

Le groupe de réflexion de l’EREB estime fondamental de rappeler avec Hannah Arendt que « la peur à proprement parler, n’est pas un principe d’action, mais un principe antipolitique dans le monde commun |…] Si la vertu est amour de l’égalité dans le partage du pouvoir, alors la peur est la volonté de pouvoir née de l’impuissance, elle est la volonté de dominer ou d’être dominé »[45]. A contrario, quelle est donc cette vertu honorée encore aujourd’hui, sinon la constance à édifier une société inclusive (et non promouvoir une société faite de discriminations), cette vertu propre à coordonner science et société ?

Encore faut-il que la distanciation sociale ne devienne pas synonyme d’une prise de distance égocentrique : il convient d’apprendre par exemple à « sourire avec les yeux », à mieux se parler et se préoccuper de ceux qui continuent de nous toucher « affectivement » et à qui l’on pense de façon touchante en prenant des nouvelles, en continuant de s’occuper de la relation qui s’ouvre entre soi et l’autre.

« Il s’agit donc d’entendre pleinement le cri d’alarme du philosophe Giorgio Agamben pour qui « les hommes se sont si bien habitués à vivre dans une condition de crise pérenne et de pérenne urgence qu’ils ne semblent pas même se rendre compte que leur vie a été réduite à une condition purement biologique et qu’elle a perdu toute dimension sociale et politique et même toute dimension humaine et affective.

Une société qui vit dans un état d’urgence pérenne ne peut être une société libre. Et, de fait, nous vivons dans une société qui a sacrifié la liberté aux supposées « raisons de sécurité » et qui, pour cette raison même, s’est condamnée elle-même à vivre dans un état de peur et d’insécurité pérennes. »[46]

Inversement, n’est-il pas urgent à cette fin utile de se ressouvenir avec Patocka[47] que « Puisque le soin de l’âme est possible, l’État aussi est possible, la communauté aussi est possible ». N’est-il pas indispensable en somme de déclarer l’état d’urgence éthique ? Cela n’oblige-t-il pas à concevoir une fraternité recouvrée venant indiquer que « Le lien biologique est métamorphosé en un lieu de liberté où chacun se reconnaît dans la vérité de son existence »[48] ?

Mais alors n’est-ce pas rappeler qu’en pratique médicale « tout malade sera d’abord présumé autonome et qu’on veillera à ne pas prendre à sa place les décisions le concernant qu’il est capable de prendre »[49] ? Et de même n’est-on pas amené à considérer que « Cela veut dire en politique de santé qu’on ne fera pas le « bien » des gens malgré eux et que les grandes orientations seront soumises au contrôle démocratique » ?

Le 20 Avril 2020, le Conseil scientifique, dans son avis sur la sortie progressive de confinement, écrivait que « L’efficacité sanitaire s’atteint par l’adhésion, l’inclusion et la transparence ».  Il ajoutait que ces outils numériques peuvent soulever des enjeux juridiques et éthiques aigus pour emporter l’adhésion du public et des professionnels de santé[50].

Afin de parvenir à vaincre la « covidose », avec ou sans traçage numérique, il convient que la qualité des relations organisées par les outils numériques demeure prioritaire sur le contenu des relations : c’est ce qu’on pourrait appeler le principe de bienséance numérique.

C’est cette bienséance, qui permet encore de donner une place centrale à l’observation, y compris à l’heure de l’Evidence Based Medicine : « Les modes de prédiction, y compris ceux qui seront basés sur l’intelligence artificielle, doivent tenir compte de l’expérience »[51].

De sorte que si des solutions technologiques devaient être retenues dans la lutte contre la pandémie[52], il conviendrait, afin de respecter un principe de « bienséance numérique »[53], c’est à dire la bienséance fondamentale à garder face à l’usage du numérique, de valoriser trois orientations éthiques principales :

 

1/ Pour la transparence : donner plus d’espace à la parole citoyenne afin que soit mieux redéfinie la frontière éthique entre contrôle social et soin, telle qu’elle est interrogée par les besoins de santé publique. Cette parole doit pouvoir s’exprimer sans anxiété ajoutée, telle qu’elle a pu être observée à l’épreuve du confinement, alors que les citoyens étaient bombardées d’informations scientifiques parfois contradictoires[54].

2/ Pour l’adhésion : préférer, dans le cadre d’un recours à une application informatique, la solution technologique la moins vectrice de dépendance possible, sur la base d’un volontariat réel, afin de ne pas faire le « bien » des usagers malgré eux.

3/ Pour l’inclusion : respecter l’objectif clairement affiché d’interdépendance sanitaire, qui doit être poursuivi pour l’ensemble de la population, même éloignée du numérique, afin de ne pas mettre en péril la cohésion sociale.

Ce principe de bienséance numérique permettrait de vérifier qu’en toutes circonstances, soit refusé « le rêve militaire de la société », notamment numérique, celui-là même dont Foucault disait que « sa référence fondamentale était non pas à l’état de nature, mais aux rouages soigneusement subordonnés d’une machine, non pas au contrat primitif, mais aux coercitions permanentes, non pas aux droits fondamentaux, mais aux dressages indéfiniment progressifs, non pas à la volonté générale, mais à la docilité automatique »[55].

Le principe de bienséance « en soi » est déjà une obligation déontologique pour les médecins, au sens de la sagesse hippocratique, qui s’impose à eux, ce qui peut provoquer un dilemme éthique en son for intérieur alors qu’avec la création des fichiers Contact Covid et Sidep, « Les médecins vont devoir apprécier en conscience le droit d’outrepasser le refus de leur patient de voir leurs données de santé révélées. »[56]

Le respect scrupuleux de ce principe oblige assurément de procéder à des ajustements de notre Droit, ce qui implique de « tracer la voie d’un nouveau contrat social de la donnée »[57]. Il importe en effet de s’assurer que la « libre circulation des données personnelles » reste « sous le contrôle des individus », en étant réellement au clair sur le droit de la portabilité des données (J.-M. Cavada, ibid)

Quelle que soit la forme qui sera prise par ces orientations éthiques et juridiques à venir, que l’horizon du traçage numérique en période de pandémie oblige à considérer, il convient d’entendre l’avertissement de Bernanos méditant du monde moderne, regardé comme essentiellement sans liberté : « Le monde moderne ne reconnaît d’autre règle que l’efficience |…] A chaque guerre pour la liberté, on nous prend 25% des libertés qui subsistent. Quand les démocraties auront fait décidemment triompher la liberté dans le monde, je me demande ce qu’il en restera pour nous… »[58]

[1] R. Gil, Logiciels de reconnaissance faciale et Alzheimer : quels enjeux éthiques, Billet éthique consultable sur le site de l’ERENA : https://poitiers.espace-ethique-na.fr/obj/original_20191212094828-logiciels-de-reconnaissance-faciale-et-alzheimer.pdf

[2] A. Haroche, Distanciation et port du masque : la technologie est-elle notre pire amie ? JIM du 16 mai 2020, https://www.jim.fr/medecin/jimplus/hightech/e-docs/distanciation_et_port_du_masque_la_technologie_est_elle_notre_pire_amie__182972/document_jim_plus.phtml

[3] CE, Ordonnance N°os 440442, 440445 du 18 mai 2020, ASSOCIATION LA QUADRATURE DU NET, LIGUE DES DROITS DE L’HOMME.

[4] Les passages en italique renvoient à des communications de citoyens à l’EREB. Ici retenons la Communication citoyenne à l’EREB de M. JP Seguin.

[5] Jean-Pierre Combes, Communication citoyenne à l’EREB.

[6] Marion Fallet, Communication citoyenne à l’EREB.

[7] A. Bensamoun, N. Martial-Braz; Stop-Covid: sortir des postures! Point de vue sur l’avis de la CNIL, Dalloz IP/IT 2020, p. 280.

[8] Académie Nationale de Médecine, Sortie de l’épidémie de Covid-19 Pour une méthodologie de déconfinement respectueuse de l’Humain, Communiqué de l’Académie nationale de médecine, Avril 2020, http://www.erepl.fr/files/00/03/23/00032381-44c4873bbbc5dd16f8c4ace1bf3d1b1b/pour-une-methodolgie-de-ceonfinement-respectueuse-de-l-humain_academie-nationale-de-medecine_avril2020.pdf

[9] E. Levinas, De Dieu qui vient à l’Idée, Librairie philosophique Vrin, Paris, 1982 (1986 pour l’éd. De poche) : p. 184.

[10]Ludovic Pailler, StopCovid : la santé publique au prix de nos libertés ? Brèves observations sur l’application de traçage numérique, Recueil Dalloz 2020 p.935.

[11] Enjeux du traçage numérique, https://www.conseil-national.medecin.fr/publications/communiques-presse/enjeux-tracage-numerique, publié le 25 avril 2020.

[12] Sans un système numérique parfaitement sécurisé, et sans des conditions très stricts d’encadrement des possibilités de « sous-traiter » le secret médical, comme le texte de loi le prévoit, on ne voit pas bien comment les médecins pourraient, sans réelle sécurité pour leur exercice, s’engager dans ces dispositifs de traçage.

[13] D. Lapeyronnie, Avec le virus, Alien est revenu prendre les commandes de notre esprit, Le Monde du 28 Avril 2020 : p. 28.

[14] Pour Guillaume Bronsard, professeur de pédopsychiatrie au CHRU de Brest et membre de la cellule éthique de soutien de Brest, « le déconfinement n’aura de vertu de mieux-être ni de libération en soi. Il n’en aura une qu’à la condition d’avoir appris à vivre avec la menace, si elle est toujours là, ou bien que celle-ci ait disparu », Le confinement : une épreuve vraiment, Le Poher, semaine du 13 au 19 mars 2020, p. 3.

[15] Mame Sow diouf, Le médecin hippocratique, Aux sources de la médecine moderne, Etudes anciennes, Les Belles Lettres, 2017, p. 161.

[16] C. Zorn, État d’urgence pour les données de santé (II) : sidep et contact covid, Dalloz actualité, 26 mai 2020.

[17] A. Lécu, Le secret médical, vie et mort, cerf, 2016 : 197.

[18] Avis du Conseil national du numérique sur l’application Stop Covid, 23 avril 2020 : 18 ; https://cnnumerique.fr/files/uploads/2020/2020.04.23_COVID19_CNNUM.pdf.

[19] Sylvie Le Lann, Communication citoyenne à l’EREB.

[20] COMITÉ NATIONAL PILOTE D’ÉTHIQUE DU NUMÉRIQUE, Enjeux d’éthique concernant des outils numériques pour le déconfinement, Avis du 14 mai 2020 ; https://www.ccne-ethique.fr.

[21] Marion Fallet, pédopsychiatre, Communication citoyenne à l’EREB.

[22] C. Villani, « Pour dompter l’épidémie, il faut investir dans le traçage », Le Un, n°298 du mercredi 27 mai 2020.

[23] D. Legrand, Altérité, Altération, Le Un, n°298 du mercredi 27 mai 2020.

[24] D. Jousset, B. Tardieu, J. Tonglet, Les pauvres sont nos maîtres, Apprendre de ceux qui résistent à la misère : le paradoxe Wresinski, Préface d’Isabelle Autissier, Hermann éditeurs, Paris, 2019, 202 p.

[25] CCNE, Avis du 20 mai 2020, Enjeux éthiques lors du dé-confinement :  Responsabilité, solidarité et confiance,

Réponse à la saisine du Conseil scientifique Covid-19 du 4 mai 2020.

[26] M.-L. Anger, Intérêt général et droit de la santé publique, in Mélanges en l’honneur de D. Truchet, L’intérêt général, p 387, pp 387-98, Ed. Dalloz, juin 2015.

[27] Réunion des autorités nationales chargées de la protection de la vie privée au regard des applications informatiques des Etats membres de l’Union.

[28] M. Salemkour, « Une période de libertés et de démocratie confinées », Propos recueillis par J. B. Jacquin, Le Monde du 27 mai 2020, p. 12.

[29] Retenons notamment l’avis du CCNE en ce sens, qui, dans son avis du 20 mai 2020, évoque une brèche dans le consentement avec la création d’un nouveau système d’informations pour le suivi du Covid-19 : « la notion de consentement. Cette notion irrigue largement le dispositif de suivi de la maladie, mais elle subit une brèche avec la création d’un système d’information aux fins de lutter contre la diffusion du virus, prévue par l’article 11 de la loi du 11 mai 2020, dispositif qui s’appuie sur deux fichiers numériques. », Avis du CCNE, 05/20, ibid.

[30] R. Piarroux, B. Riou, Pour déconfiner sans provoquer une deuxième vague, une approche centrée sur le patient, Le Monde du 28 Avril 2020 : p. 28.

[31] Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 Loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

[32] Académie Nationale de Médecine, Communiqué de l’Académie nationale de médecine : l’utilisation de Smartphones pour le suivi du déconfinement du Covid-19 en France, publié le 22 avril 2020 : http://www.academie-medecine.fr/communique-de-lacademie-nationale-de-medecine-lutilisation-de-smartphones-pour-le-suivi-du-deconfinement-du-covid-19-en-france/

[33] Covid-19 : appel pour une coordination immédiate entre sciences et société, Le Monde du vendredi 8 mai et samedi 9 mai 2020 : p.32.

[34] Journal d’une confinée, par Cynthia Fleury, Publié le 09/04/2020. Mis à jour le 09/04/2020 à 12h13 : “Nous entrons dans une ère de bien(sur)veillance, https://www.telerama.fr/monde/journal-dune-confinee,-par-cynthia-fleury-nous-entrons-dans-une-ere-de-bien-sur-veillance,n6625740.php

[35] F. Treguier, Urgence sanitaire, réponse sécuritaire, Le Monde diplomatique du 20 mai 2020 : 18-9.

[36] F. Treguier, Urgence sanitaire, réponse sécuritaire, Le Monde diplomatique du 20 mai 2020 : 18-9.

[37] Résolution du Conseil économique, social et environnemental, L’hôpital au service du droit à la santé pour toutes et tous mars 2020, https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2020/2020_07_droit_sante_toutes_tous.pdf

[38] D. Jousset, B. Tardieu, J. Tonglet, Les pauvres sont nos maîtres, Apprendre de ceux qui résistent à la misère : le paradoxe Wresinski, Préface d’Isabelle Autissier, Hermann éditeurs, Paris, 2019, 202 p : 76.

[39] L’art. 14 du Décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d’information mentionnés à l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions est indicatif de la problématique ici soulevée : « Pour leurs traitements mis œuvre afin de répondre à la situation d’urgence sanitaire, dans les conditions de l’article 67 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, les agences régionales de santé peuvent avoir recours à des sous-traitants pour exercer, dans les conditions prévues à l’article 28 du règlement (UE) du 27 avril 2016 susvisé, les missions de réalisation des enquêtes sanitaires, d’orientation, de suivi et d’accompagnement des personnes et de surveillance épidémiologique. Les agences régionales de santé s’assurent notamment que leurs sous-traitants présentent des garanties de compétence suffisantes pour assurer la mise en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées et le respect des règles de confidentialité ».

[40] COMITÉ NATIONAL PILOTE D’ÉTHIQUE DU NUMÉRIQUE, Enjeux d’éthique concernant des outils numériques pour le déconfinement, Avis du 14 mai 2020 , ibid.

[41]  AVIS SUR LE SUIVI NUMÉRIQUE DES PERSONNES rendu le 28 AVRIL 2020 : https://www.cncdh.fr/node/2069

[42] Hervé LE LOUET, SÉCURITÉ SANITAIRE : UN URGENT BESOIN D’EUROPE, Association Après-Demain, Après-demain, N° 22 (NF), Avril 2012 : 5-7.

[43] Olivier Couret, Communication citoyenne à l’EREB.

[44] C. Goguer, « La peur incite à une réflexion et à un recours au divin, Le Télégramme du 17 mai 2020, p. 40.

[45] H Arendt, Qu’est-ce que la politique ? Seuil, 2014 : 128.

[46] Giorgio Agamben : « Qu’est donc une société qui ne reconnaît pas d’autre valeur que la survie ? », BibliObs, Tribune publiée le 27 avril 2020 : https://www.nouvelobs.com/idees/20200427.OBS28058/giorgio-agamben-qu-est-donc-une-societe-qui-ne-reconnait-pas-d-autre-valeur-que-la-survie.html

[47] J. Patocka, Platon et l’Europe. Séminaire privé du semestre d’été 1973 (abrégé : PE), trad. fr. Erika Abrams, Lagrasse, Verdier, 1983, p. 131.

[48] Mg Pierre d’Ornellas, Vivre, in Voici L’Homme (Mg André Vingt-Trois présente), Ed. Parole et Silence, 2006 : 129-55.

[49] A. Fargot-Largeault, « Réflexions sur la qualité de vie », Décision thérapeutique et qualité de vie, R. Launois et F. Régnier (éd.), Paris, 1992 : 83-100.

[50] Avis n°6 du Conseil scientifique Covid-19 du 20 avril 2020 : Sortie progressive du confinement. Prérequis et mesures phares : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_conseil_scientifique_20_avril_2020.pdf

[51] D. Raoult, Epidémies, vrais et fausses alertes, Ed. Michel Laffont, 2020 : p. 100.

[52] C’est donc la voie empruntée actuellement : Décret no 2020-650 du 29 mai 2020 relatif au traitement de données dénommé «StopCovid», JO du 30 mai 2020.

[53] Principe complémentaire de celui déjà pris en compte par la future loi de bioéthique, le principe de « garantie humaine » du numérique en santé, qui s’impose dans l’interprétation de résultats médicaux en cas de recours à l’intelligence artificielle (IA).

[54] Sur cette question d’une information anxiogène pendant le confinement, voir Aurélie Jean : « Dans une époque où règnent l’instantanéité de l’information et des réseaux sociaux, il est difficile de garder du recul, ce qui fait prendre le risque d’affaiblir l’esprit critique. Nous étions également dans une bulle physique, enfermés avec nous-mêmes pendant ce confinement, le risque de biais d’observation et d’opinion était alors bien plus élevé. Ce qui a alimenté notre niveau d’anxiété permanent, même léger, qui n’a pas aidé dans cette prise de recul pourtant nécessaire à une situation complexe », A. Jean, « La culture scientifique est une force », Le Télégramme du 20 mai 2020, p. 32.

[55] M. Foucault, Surveiller et punir, tel Gallimard, 1975 : p. 198.

[56] C. Zorn, État d’urgence pour les données de santé (II) : sidep et contact covid, Dalloz actualité, 26 mai 2020.

[57] J.-M. Cavada, L. Vidal, T. Saint-Aubin, Interview de Jean-Marie Cavada, Laurent Vidal et Thomas Saint-Aubin sur la création de l’Institute for Digital Fundamental Rights, Dalloz IP/IT, p. 272.

[58] G. Bernanos, La liberté pour quoi faire ? Conférences données entre 1946 et 1947, Gallimard, 1995, folio essais : 121-2.